Depuis toujours la caractéristique de notre beau pays, et sa fierté, est d’être connu pour ses fromages et d’en dénombrer plus de 300 variétés, le rendant, selon De Gaulle, compliqué à gouverner. C’est sans compter les richesses régionales de notre territoire version sucré. Far Breton, Tourteau Poitevin, Kouglof alsacien, Fiadone Corse, Navettes de Marseille, Brioche parisienne, chaque département, et même ville, possède sa douceur produite localement, et touristiquement exploitée.
La Savoie n’a pas non plus échappé à cette règle de chauvinisme. Mieux encore, avec son célèbre Gâteau de Savoie, le duché a même été précurseur ! Sa spécialité pâtissière est en effet historiquement un des premiers gâteaux au sens moderne du terme.
Tout commence à Chambéry, en 1358, lorsque le Comte de Savoie Amédée VI invita à sa table son suzerain Charles IV de Luxembourg. La Savoie n’était alors pas encore française. A cette occasion, celui-ci commanda à son pâtissier Pierre de Yenne un gâteau qu’il souhaitait léger comme une plume, afin de plaire à l’empereur. Yenne, village proche du Lac du Bourget, sera alors considérée comme le berceau de la recette.
Ainsi, tel Philippe Conticini de l’époque, le maitre-queux eu l’idée de battre longuement jaunes d’œuf et sucre jusqu’à les faire blanchir et d’alléger encore la préparation en y incorporant les blancs en neige et la farine. Puis il mit sa préparation dans un plat en bois, mauvais conducteur de chaleur, pour une cuisson plus douce, permettant à la pâte d’acquérir sa texture aérienne légendaire. Le gâteau de Savoie était né !
Malheureusement l’agréable sensation d’avaler un nuage lors de la dégustation de ce biscuit, ne permit pas à alléger les tensions entre Charles IV et Amédée VI. Les douceurs ont leurs limites diplomatiques !
Avec le temps ce symbole montagnard a évolué grâce à Massialot au XVII siècle et Menon au XVIII. Il s’est parfumé soit de zestes de citron vert, soit de cannelle, soit de fleur d’oranger. Et tels les sommets de Savoie l’hiver, le dôme s’est blanchi de sucre glace.
Concurrent déloyal de la brioche, il est le partenaire idéal à l’heure du thé. D’ailleurs pour nos amis anglais, dont ce cérémonial est incontournable, notre gâteau de Savoie devient Sponge Cake, littéralement gâteau éponge. Une traduction qui ne rend pas hommage à sa légèreté !
Il paraîtrait même paradoxalement qu’il serait lourd de sens. En effet au XVIII ème siècle le comte d’Artois marié à une savoyarde, fréquentait en secret la courtisane Rosalie Duthé. Dès lors il prétextait aller prendre du thé à Paris après une indigestion de gâteau de Savoie, sous entendu de sa femme, ce qui, sans équivoque, évoquait un rendez-vous avec sa maitresse !
Aujourd’hui heureusement le gâteau de Savoie ne porte pas le poids de son histoire. Emblème d’une région, tel son hymne les Allobroges, il est avant tout fondant, délicat, vaporeux…et inévitable ! Nul doute que vous serez piégé, vous aussi, par cette étoile des neiges.
Sources : La cuisine de Mercotte, Solution Desserts de Mercotte (Editions Altal), Sébastien Durand « Du sacré au sucré ».
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